Quand la robotique s’invite dans notre assiette
Sous le titre évocateur “Un jour, nous mangerons des robots”, Wired et l’Institut Italien de Technologie (IIT) proposent un épisode de podcast dédié aux idées les plus folles… et les plus prometteuses. Pensée comme un manifeste en faveur du droit à l’erreur — parfois baptisé « l’expérimentation du vendredi après-midi » — cette émission met en lumière trois projets de jeunes chercheurs qui pourraient bouleverser l’industrie agroalimentaire et l’économie circulaire.
L’expérimentation du vendredi : le terreau de l’innovation
Dans le monde scientifique, l’expression “expérience du vendredi après-midi” désigne souvent ces tentatives audacieuses, un peu loufoques, menées en fin de semaine, loin des protocoles rigoureux. Pourtant, nombre de découvertes majeures sont nées de ces moments de liberté créative. Les docteurs post-doctorants Elena Feltri, Giulia Coco et Valerio Galli illustrent à merveille ce principe : leurs recherches, parfois jugées déroutantes, s’inscrivent dans une démarche de “liberté d’échouer” cher à l’IIT.
Des semi-conducteurs « comestibles » par Elena Feltri
Elena Feltri a concentré ses efforts sur des matériaux alternatifs au silicium. Son pari : exploiter la richesse des caroténoïdes — pigments naturels présentes dans les tomates (lycopène), les carottes (bêta-carotène) ou encore l’astaxanthine produite par certaines algues — pour produire des semi-conducteurs biodégradables. Ces composants, issus de cultures biologiques, pourraient permettre de fabriquer des circuits électroniques entièrement compostables, offrant ainsi une solution radicale au problème des déchets numériques et à l’impact environnemental du secteur.
Les circuits neuronaux d’après Giulia Coco
De son côté, Giulia Coco mise sur l’informatique neuromorphique pour concevoir des puces inspirées du fonctionnement cérébral. Son objectif : développer des « aliments intelligents » capables d’ajuster leur état en fonction de la température, de l’humidité ou de l’exposition lumineuse. Grâce à ces circuits, on imagine des emballages interactifs qui signalent la fraîcheur d’un produit, ou des étiquettes intelligentes facilitant la traçabilité et évitant le gaspillage. Les promesses de cette technologie ouvrent la voie à de véritables innovations dans la gestion des stocks et la sécurité alimentaire.
Valerio Galli et la batterie… que l’on peut manger
La troisième invitée, Valerio Galli, prolonge une piste déjà explorée dans une précédente émission du podcast : les batteries « comestibles ». Fabriquées uniquement à partir de matériaux alimentaires — quercétine (antioxydant des plantes), riboflavine (vitamine B2), charbon actif, algue nori et cire d’abeille — ces sources d’énergie sont entièrement biodégradables et sans risque pour la faune. En les intégrant à des capteurs plantés dans les champs, on peut mesurer en temps réel l’humidité, le pH ou la température du sol, sans craindre de polluer l’environnement lorsque les dispositifs sont laissés sur place.
Un podcast soutenu par le projet EDISENS
Réalité augmentée de l’innovation, cet épisode de “Un jour, nous mangerons des robots” est animé par Marta Abbà et le chercheur Valerio Annese, avec le soutien éditorial de Luca Zorloni. Le montage est assuré par Daniele Anniverno et Riccardo Indelli, tandis que Giulia Rocco signe la postproduction. Le tout est rendu possible grâce au financement du projet EDISENS (grant agreement n° 101105418), un programme Marie Skłodowska-Curie du volet Horizon Europe de l’Union Européenne, qui encourage la mobilité des jeunes chercheurs et l’échange d’idées transdisciplinaires.
Applications potentielles et défis à relever
Ces innovations sont porteuses d’un impact considérable :
- Des semi-conducteurs biologiques réduiraient drastiquement les déchets électroniques.
- Les circuits neuromorphiques comestibles pourraient révolutionner la logistique alimentaire et la lutte contre le gaspillage.
- Les batteries dévorables offriraient une alimentation propre pour l’Internet des Objets agricoles, sans résidus toxiques.
- Un nouveau modèle d’agriculture de précision, respectueux de l’écosystème et des pratiques durables.
Reste à affiner la fiabilité, la durabilité et l’échelle de production de ces dispositifs pour passer du prototype au déploiement à grande échelle. Les laboratoires de l’IIT, grâce à leur culture de l’essai-erreur, sont en première ligne pour relever ce défi.
L’innovation au service de la planète
La collaboration entre un média comme Wired et un institut de recherche d’excellence démontre à quel point la diffusion des idées est cruciale pour susciter l’adoption de technologies vertes. Ces trois projets illustrent la volonté de conjuguer progrès scientifique et respect de l’environnement, dans un esprit pionnier où même la nourriture peut jouer un rôle actif dans notre futur technologique.


